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23/12/2010

CORRESPONDANCE WOOLF - SACKVILLE-WEST

Tout bonnement délicieux. Une correspondance qui nous emmène ailleurs, quelque part entre Londres et la Perse, dans ce nid douillet qu'est l'amour. Les deux femmes passionnées et passionnantes, ne se lassent pas de se séduire avec les mots. On plonge aussi dans l'Angleterre du début du XXème, ses dîners mondains et son effervescence artistique, et trouve une réflexion intéressante des deux écrivains sur leur style littéraire et leurs œuvres respectives (de la poésie pour Sackville aux romans de Woolf, en particulier Orlando). Les lettres se dévorent les unes après les autres, avec la même jouissance que celle qu'ont pris leurs auteurs.

Traduction très agréable et texte bien documenté, avec notes et éclairages, pour ne rien manquer des messages codés entre les deux coquines.

22/11/2010

LA VAGUE

Une claque.
On est au XXIe siècle, dans un lycée allemand somme toute assez ressemblant à un lycée français, mit jeunes traînant en bande, rivalités et amourettes. Et puis vient un jour où on propose à ces jeunes un atelier un peu différent des cours ordinaires.
Qu'est-ce qu'un régime autoritaire? A cette question, un prof est décidé à donner à ses élèves une réponse grandeur nature: pour décortiquer les mécanisme du système, il monte un véritable jeu de rôles dont il se fait le leader. Les choses prennent forme et s'organisent petit à petit, avec une intrigue extrêmement bien ficelée et des personnages tout à fait convaincants. Mais bientôt l'atelier déborde des quatre murs de la classe, et c'est la ligne même entre fiction et réalité qui est brouillée... Y compris pour nous spectateurs.
Un tel scénario serait-il possible aujourd'hui? Le film met le pouvoir est question. Il sonde le métier de prof, ses responsabilités, montre aussi l'influence qu'un adulte peut avoir sur des jeunes (particulièrement fragiles) et la facilité avec laquelle on peut se laisser manipuler par un discours apparemment bienveillant. Il souligne la force de l'effet de groupe et ses dangers, dont le radicalisme est souvent l'issue, rappelle enfin la difficulté à résister quand on fait partie d'une minorité: dire non, mais à quel prix? Peut-être celui de la vie.
Beaucoup de questions soulevées. Avec pour seule réponse, un appel à rester éveillé.

Film allemand de Dennis Gansel (2006).

16/11/2010

WELCOME TO THE RILEYS


Un bon casting de départ pour Ridley Scott mais une intrigue somme toute assez peu originale : la rencontre tendre et brute à la fois entre un quinquagénaire fatigué de la vie et une gamine orpheline et paumée [Kristen Stewart, pas mal du tout]. L'un fuit un quotidien monotone, hanté par la mort de sa fille et terni par une femme dépressive, l'autre joue les prostituées dans un bar de luxe pour se payer de quoi vivre. Les deux destins se mêlent un soir sous la lumière tamisée du bordel; après un premier contact raté, les deux se prennent d'affection, le séjour du vieux à la Nouvelle-Orléans s'éternise, et la complicité naît, alors même que ressurgissent les affres du passé. Père et fille de substitution? Un beau retour à la vie pour ces deux-là en tout cas. C'est sans prétention mais c'est simple et touchant, et parfois ça fait juste du bien.
(Et on aime Kristen Stewart, qui porte aussi bien le baggy que la tenue très légère qui sied à son job nocturne. Preuve encore, après Into the wild et plus récemment, The Runaways, qu'elle peut jouer toutes sortes de rôle avec une entière crédibilité.)


01/11/2010

GUSH - EVERYBODY'S GOD


A la croisée des Beatles et des Stones, ces quatre garçons dans le vent, tous frères ou cousins, jonglent avec leurs voix et leurs instruments pour livrer une folk chaleureuse, douce et entraînante. A voir en concert sans modération, ils sont beaux, drôles et... chantent avec vous a capella!

29/10/2010

LES AMOURS IMAGINAIRES


Xavier Dolan est un artiste épatant. De bien mauvaises critiques circulaient déjà sur lui depuis J'ai tué ma mère: il fait un cinéma prétentieux et égocentrique, ou encore c'est un fils à papa. Il faut dire que son génie précoce ou son apparence ouvertement gay en agacent plus d'un. Calomnie et injustice! Dolan met sans conteste beaucoup d'humour et d'auto-dérision dans son travail, et esthétiquement et artistiquement tout est vraiment superbe. S'il y a emprunts ou influences, il ne s'en cache pas, et se les approprie avec brio. La B.O. est géniale, les images et les couleurs tantôt bercent tantôt électrisent, les plans au ralenti sont d'un soin parfait. Le cinéma véritablement vu et traité comme Art. L'histoire est certes moins complexe que dans J'ai tué ma mère, les personnages moins construits et profonds, mais c'est, semble-t-il, ce que Dolan a cherché ici: rester à la surface, pour montrer le ridicule d'un 'amour' borné aux apparences trompeuses. Niels Schneider et Monia Chokri sont impeccables – Schneider est d'une beauté à tomber par terre. On s'amuse des interviews qui entrecoupent l'histoire d'un triangle amoureux aussi attachant que cruel, tout comme on aime l'apparition clin d'oeil en dernière scène du français Louis Garrel, avec qui Dolan devrait travailler dans son prochain long-métrage.
Un film qui se savoure comme un bonbon.

 

19/10/2010

BAAL



Baal c'est d'abord l'œuvre et le héros de Berthold Brecht, sa première pièce.
Mais Baal hier soir, n'était pas un livre. Baal était devenu un corps, une puissance scénique, un cri.
On (re)découvre une jolie et talentueuse comédienne [Clotilde Hesme, crédible et même épatante avec sa coupe à la garçonne et sa démarche masculine], métamorphosée en dandy. Un dandy insolent et répugnant, passionné et fascinant. Grâce et innocence de la jeunesse dans les mouvements; force du caractère mais détresse dans le cœur et dans l'âme! Poète torturé, jouisseur insatiable, Baal est-il homme ou animal? On ne saurait dire car Baal n'est, semble-t-il, qu'excès et démesure. Mais Baal reste touchant: car derrière l'égoïsme et l'arrogance se cache un être vulnérable en quête d'absolu.
La pièce est rafraichissante et explosive, ponctuée par des instants musicaux parfois très Les chansons d'amour parfois plus rock n' roll – et on voudrait que Last Night des Strokes dure bien plus que trois minutes. Mais on ne vous en dit pas plus.

Mis en scène par François Orsoni, Baal est parti d'Avignon en juillet dernier et fait le tour de vos théâtres. Ne le rater pas!

18/10/2010

ILLEGAL

L'affiche ne paie pas de mine et on n'a que discrètement entendu parler dans la presse - à tort. Sujet polémique? Certains diront « Encore un énième film sur l'immigration », après le retentissant Welcome ou récemment encore The visitor. Certes. 
Illégal, pourtant, traite la question tout à fait singulièrement, comme de l'intérieur et sans le moindre ménagement, suivant le destin d'une sans-papier russe (jouée par la magistrale Anne Coesens) qui tente de demeurer coûte que coûte en Belgique, aux côtés de son fils Ivan. Jusqu'au jour où. Tania est arrêtée, mise en garde-à-vue, puis transférée en centre de détention avec d'autres clandestins. Sans son fils. Les portes de la prison s'ouvrent et se referment; l'Enfer commence. Là, Tania fera la connaissance d'Aissa, une endurcie qui a déjà tenté de prendre la fuite et qu'on s'acharne à vouloir renvoyer au pays, par les méthodes les plus contestables. La fin justifie-elle les moyens? Complices ou victimes du système, ils s'interrogent. Certains abandonneront. Aissa , elle, résiste. Une fois, deux fois, trois fois. Et puis. On souffre, on voudrait hurler, dénoncer l'inhumanité.
Un drame filmé dans la force et la dureté de la réalité: bouleversant, poignant & révoltant. Un aperçu de l'envers du décor que, par conscience citoyenne, il serait bon d'avoir.

16/10/2010

THE SOCIAL NETWORK

Contrairement à tout ce qu'on peut entendre, The Social Network n'est pas un portrait à charge du créateur de Facebook Mark Zuckerberg. Le personnage joué par Jessie Eisenberg, loin d'être diabolisé, apparaît profondément humain: on ne saurait le détester, juste apprécier son génie, en toute objectivité (ce qui ne vaut pas pour le businessman incarné par J. Timberlake). M. Zuckeberg a en fait surtout été victime de mauvaises influences et d'un désir excessif de reconnaissance, lui qui était resté sur le banc de touche après sa rupture avec sa petite amie. Pas une excuse, direz-vous. Certes. Mais à Harvard, la pression est là. « En réalité vous n'êtes pas un sale con, mais vous vous donnez un sacré mal pour l'être » lui dit dans l'une des dernières scènes, cette femme qui a assisté au procès. Peut-être à méditer.
On trouve en tout cas des messages d'arrière-plan intéressants: une mise en garde implicite contre l'addiction à l'informatique, qui peut facilement déséquilibrer et anéantir notre vie sociale (et paradoxalement donner naissance à une autre...), un rappel de la nécessité de veiller, aujourd'hui plus que jamais, à rester maître des informations que l'on diffuse sur soi sur le net, ou encore des risques encourus lorsqu'on cherche des profits trop vite et sans fin, quitte à faire passer sa soif de réussite avant ses amis... Mérite donc d'être vu.

22/09/2010

THE RUNAWAYS*

Le film retrace la jeunesse musicale de Joan Jett, enfant du rock au caractère déjà bien trempé: sa rencontre déterminante avec la chanteuse blonde platine Cherie Currie, qui partagera un temps sa vie intime et lui inspirera Cherry Bomb; la naissance et l'ascension des Runaways, l'un des tous premiers groupes de rock exclusivement féminin -toute une révolution dans le LA des années 70 !-, l'excitation des premières scènes et tournées, mais aussi les revers d'un début de gloire...
Kristen Stewart et Dakota Fanning forment un duo de choc pour ce film résolument rock 'n roll réalisé sous l'oeil intransigeant de la vraie Joan Jett ! Une BO d'enfer et un excellent jeu d'acteurs: un biopic réussi.


* Cliquez !

28/08/2010

LES CHRONIQUES DE SAN FRANCISCO

Qui n'a encore jamais goûté aux délicieuses chroniques d'Armistead Maupin ne sait pas ce qu'il rate! N'attendez plus et pénétrez la fantastique demeure de Mme Madrigal et de ses enfants d'adoption, ceux qui restent et ceux qui ne feront que passer. Des dialogues jouissifs et des histoires qui s'entrecroisent, toutes plus démentes les unes que les autres, et nous voilà à rire, s'attendrir, pleurer, retenir son souffle, être surpris... bref à vivre et à aimer avec cette bande de joyeux marginaux. Que vous soyez black, blanc ou beurre, hétéros, gays, bi ou trans, secrétaire, journaliste, pépiniériste ou PDG, soyez assurés d'y trouver votre compte: on croise de tout à Barbary Lane! De rencontres improbables en situations loufoques, rien n'est jamais assez fou pour ce San Francisco coloré et très libéré des années 1970.
C'est léger, raffiné et bon pour le moral, sans être niais ni dépourvu d'un œil critique. Alors que demandez de plus ?
Sept tomes à grignoter n'importe où, n'importe quand.

23/08/2010

DEVENDRA BANHART


Ce bel hippie-bohème aux airs christiques se nomme Devendra Banhart, il est musicien, auteur et compositeur, et en réalité un artiste des plus originaux. Sa musique folk authentique, intimiste et spirituelle est difficile à qualifier, puisqu'elle n'a à vrai dire pas d'égal. Resté longtemps et volontairement méconnu, Devendra Banhart est sorti de l'ombre grâce au titre "I feel just like a child" repris dans une publicité Renault il y a quelques années:

 

Il revient cette année avec un neuvième album, What will we be.



A écouter aussi: l'album Cripple Crow, sorti en 2005, et entre autres "Long Haired Child" et "Quedate Luna".

29/05/2010

THE BLACK KEYS - BROTHERS


Les Black Keys viennent de sortir un deuxième album absolument génial. Succès garanti pour ces deux-là, qui rappellent un peu les Arctic Monkeys en terme d'énergie. Une super découverte !

16/03/2010

TENDER FOREVER

Bordelaise d'origine, Tender Forever aka Mélanie Valéra poursuit depuis quelques années ses expérimentations musicales outre-atlantique, à Portland, Oregon, avec déjà trois albums derrière elle signés chez le label indépendant K Records auquel elle tient manifestement beaucoup. Un univers musical surprenant qui se distingue par sa singularité et son éclectisme, avec des influence aussi bien hip-hop, R'n'B, pop ou électro. La scène est entièrement investie par la jeune femme -qui dit aimer jouer dans des lieux insolites et inattendus- et vue comme lieu expérimental à la fois artistique et humain: c'est donc une musique à découvrir et même à vivre, de préférence, en live.
Profitez-en, Tender Forever est de retour en France pour une série de concerts. Elle est notamment à l'affiche du festival Les Femmes s'en mêlent #13, de passage à Paris et en province fin mars - début avril.
Un extrait de son troisième opus, No snare :


Un petit aperçu de ce que peuvent être ses expériences scéniques :

 

Et en bonus, deux magnifiques reprises :
 

 

09/03/2010

A SINGLE MAN

What a sublime single man !
Vingt-quatre heures dans la vie d'un homosexuel, quelque temps après la mort de son amant. Jolis instants d'intimité filmés entre cet homme en souffrance qui tente de se reconstruire [impeccable Colin Firth] et tantôt son ex-amie & amante de jeunesse [Julianne Moore], tantôt un jeune étudiant charmant [Nicholas Hoult - Tony dans la série Skins]. Et puis des mots que, pour une fois, on ne laissera pas complètement s'envoler: « L'expérience est ce qu'on fait de ce qui nous advient... ».
Avec des plans, une qualité d'images et une bande-son magnifiques, le styliste Tom Ford nous rappelle que le cinéma est d'abord un art visuel. Attention chef d'œuvre.

23/02/2010

BROTHERS

Brothers m'a littéralement bouleversée et fait pleurer à chaudes larmes comme une enfant. Comme une enfant qui refuse d'accepter la violence et l'inhumanité. Avoir conscience qu'à des centaines de kilomètres (et parfois moins) des hommes en guerre vivent des expériences atroces et n'en reviennent jamais indemnes. Pleurer pour cette violence et cette souffrance absurdes, pleurer pour un sens de la vie qui n'en finira jamais de nous échapper. Comment peut-on se reconstruire après une telle épreuve? Comment peut-on encore être compris par ceux qui nous entourent? Se rappeler qu'on n'est pas grand-chose sur terre, qu'un petit homme si vite oublié. Qu'accomplit-on pour faire avancer le monde?