Pages

29/10/2010

LES AMOURS IMAGINAIRES


Xavier Dolan est un artiste épatant. De bien mauvaises critiques circulaient déjà sur lui depuis J'ai tué ma mère: il fait un cinéma prétentieux et égocentrique, ou encore c'est un fils à papa. Il faut dire que son génie précoce ou son apparence ouvertement gay en agacent plus d'un. Calomnie et injustice! Dolan met sans conteste beaucoup d'humour et d'auto-dérision dans son travail, et esthétiquement et artistiquement tout est vraiment superbe. S'il y a emprunts ou influences, il ne s'en cache pas, et se les approprie avec brio. La B.O. est géniale, les images et les couleurs tantôt bercent tantôt électrisent, les plans au ralenti sont d'un soin parfait. Le cinéma véritablement vu et traité comme Art. L'histoire est certes moins complexe que dans J'ai tué ma mère, les personnages moins construits et profonds, mais c'est, semble-t-il, ce que Dolan a cherché ici: rester à la surface, pour montrer le ridicule d'un 'amour' borné aux apparences trompeuses. Niels Schneider et Monia Chokri sont impeccables – Schneider est d'une beauté à tomber par terre. On s'amuse des interviews qui entrecoupent l'histoire d'un triangle amoureux aussi attachant que cruel, tout comme on aime l'apparition clin d'oeil en dernière scène du français Louis Garrel, avec qui Dolan devrait travailler dans son prochain long-métrage.
Un film qui se savoure comme un bonbon.

 

19/10/2010

BAAL



Baal c'est d'abord l'œuvre et le héros de Berthold Brecht, sa première pièce.
Mais Baal hier soir, n'était pas un livre. Baal était devenu un corps, une puissance scénique, un cri.
On (re)découvre une jolie et talentueuse comédienne [Clotilde Hesme, crédible et même épatante avec sa coupe à la garçonne et sa démarche masculine], métamorphosée en dandy. Un dandy insolent et répugnant, passionné et fascinant. Grâce et innocence de la jeunesse dans les mouvements; force du caractère mais détresse dans le cœur et dans l'âme! Poète torturé, jouisseur insatiable, Baal est-il homme ou animal? On ne saurait dire car Baal n'est, semble-t-il, qu'excès et démesure. Mais Baal reste touchant: car derrière l'égoïsme et l'arrogance se cache un être vulnérable en quête d'absolu.
La pièce est rafraichissante et explosive, ponctuée par des instants musicaux parfois très Les chansons d'amour parfois plus rock n' roll – et on voudrait que Last Night des Strokes dure bien plus que trois minutes. Mais on ne vous en dit pas plus.

Mis en scène par François Orsoni, Baal est parti d'Avignon en juillet dernier et fait le tour de vos théâtres. Ne le rater pas!

18/10/2010

ILLEGAL

L'affiche ne paie pas de mine et on n'a que discrètement entendu parler dans la presse - à tort. Sujet polémique? Certains diront « Encore un énième film sur l'immigration », après le retentissant Welcome ou récemment encore The visitor. Certes. 
Illégal, pourtant, traite la question tout à fait singulièrement, comme de l'intérieur et sans le moindre ménagement, suivant le destin d'une sans-papier russe (jouée par la magistrale Anne Coesens) qui tente de demeurer coûte que coûte en Belgique, aux côtés de son fils Ivan. Jusqu'au jour où. Tania est arrêtée, mise en garde-à-vue, puis transférée en centre de détention avec d'autres clandestins. Sans son fils. Les portes de la prison s'ouvrent et se referment; l'Enfer commence. Là, Tania fera la connaissance d'Aissa, une endurcie qui a déjà tenté de prendre la fuite et qu'on s'acharne à vouloir renvoyer au pays, par les méthodes les plus contestables. La fin justifie-elle les moyens? Complices ou victimes du système, ils s'interrogent. Certains abandonneront. Aissa , elle, résiste. Une fois, deux fois, trois fois. Et puis. On souffre, on voudrait hurler, dénoncer l'inhumanité.
Un drame filmé dans la force et la dureté de la réalité: bouleversant, poignant & révoltant. Un aperçu de l'envers du décor que, par conscience citoyenne, il serait bon d'avoir.

16/10/2010

THE SOCIAL NETWORK

Contrairement à tout ce qu'on peut entendre, The Social Network n'est pas un portrait à charge du créateur de Facebook Mark Zuckerberg. Le personnage joué par Jessie Eisenberg, loin d'être diabolisé, apparaît profondément humain: on ne saurait le détester, juste apprécier son génie, en toute objectivité (ce qui ne vaut pas pour le businessman incarné par J. Timberlake). M. Zuckeberg a en fait surtout été victime de mauvaises influences et d'un désir excessif de reconnaissance, lui qui était resté sur le banc de touche après sa rupture avec sa petite amie. Pas une excuse, direz-vous. Certes. Mais à Harvard, la pression est là. « En réalité vous n'êtes pas un sale con, mais vous vous donnez un sacré mal pour l'être » lui dit dans l'une des dernières scènes, cette femme qui a assisté au procès. Peut-être à méditer.
On trouve en tout cas des messages d'arrière-plan intéressants: une mise en garde implicite contre l'addiction à l'informatique, qui peut facilement déséquilibrer et anéantir notre vie sociale (et paradoxalement donner naissance à une autre...), un rappel de la nécessité de veiller, aujourd'hui plus que jamais, à rester maître des informations que l'on diffuse sur soi sur le net, ou encore des risques encourus lorsqu'on cherche des profits trop vite et sans fin, quitte à faire passer sa soif de réussite avant ses amis... Mérite donc d'être vu.