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29/04/2011

THAO + MIRAH


Thao + Mirah n'est pas un groupe à proprement parler mais deux artistes qui ont choisi de collaborer ensemble, en reprenant voire réarrangeant les titres de l'une et de l'autre. Et le résultat est plutôt joli. Thao N'Guyen est issue du  groupe The Get Down Stay Down et a une pratique tout à fait originale de la musique (*); Mirah (qui se dit ouvertement lesbienne*, pour info) tournait généralement en solo (*) même si elle a joué dans le groupe The Drivers et collaboré avec plusieurs autres artistes. Elle signe cinq albums chez K Records (The Gossip, Tender Forever, Electrosexual...).

23/04/2011

TOMBOY


J'avais beaucoup aimé Naissance des pieuvres, j'ai été enchantée et émue par le troublant Tomboy. Tomboy, c'est, vous le savez sans doute, un film sur l'incertitude identitaire à l'âge enfant. Se faire passer pour un garçon devant sa nouvelle bande de copains, c'est d'abord un jeu innocent pour la petite Laure. Elle peut jouer au foot torse nu avec les autres et se rapprocher de Lisa. C'est l'été, l'insouciance s'épanouit à loisir, dans le dos des parents. Mais ce jeu prend bientôt de l'ampleur et « Mickaël » se trouve embêté, confronté aux limites de son propre corps : il lui faut tenir le rôle. Alors il surveille son torse encore lisse, demande à sa petite sœur de couper ses quelques cheveux qui dépassent, et au besoin se fabrique même un petit pénis en pâte à modeler pour pouvoir rejoindre les autres à la baignade. Le spectateur, entré dans le secret de Mickaël avec sa petite sœur, guète, anxieux, le moment où celui-ci risque d'être dévoilé. La tension monte. Jeu ou mensonge ? Travestissement d'un été ou naissance d'un trouble identitaire durable ? L'histoire ne le dit pas, et c'est ce qui m'a plu: les interprétations sont ouvertes, les réponses jamais données. Le langage est d'abord visuel. La caméra capte les instants et les émotions avec subtilité, nous fait tour à tour entrer dans la chaleur de la cellule familiale autour de la mère enceinte, dans la relation complice et joueuse des deux sœurs, et dans l'amitié amoureuse qui naît entre Mickaël et Lisa. Scènes drôles et touchantes, reflet de l'enfance reine insouciante (où chacun verra quelques souvenirs); scènes aux accents bien plus graves et violents mais jamais exagérés, quand le jeu prend fin. Comme un écho atténué de Boys don't cry. Et cette fichue robe, comme elle paraît finalement tragique !  Se forcer à redevenir "fille" - avec tout ce que ça a de ridicule. Tomboy est un film d'une grande simplicité et à la fois d'une justesse et d'une grâce infinies. C'est beau, singulier et lumineux. D'autant plus beau lorsque l'on sait le peu de temps qu'il a fallu à la réalisatrice pour l'écrire et le tourner. Décidément prometteuse, Céline Sciamma.

Courez donc en salle découvrir ce joli film.

NB: Pour celles et ceux que ça intéresse, vous trouverez plusieurs interviews intéressantes de Céline Sciamma. En voici une parmi d'autres:

Enfin, quelques articles plus ou moins récents et plus ou moins en rapport avec la question du genre:

Bon week-end de Pâques à tou(te)s :)

22/04/2011

KATHERINE MANSFIELD - THE GARDEN PARTY


« Je ne voulais pas me l'avouer, mais j'étais jalouse de son écriture,
la seule écriture dont j'ai jamais été jalouse. Elle avait la vibration. »
(Virginia Woolf à propos de K. Mansfield)

Je suis très friande de nouvelles, et ça tombe bien, la néo-zélandaise Katherine Mansfield s'illustre parfaitement dans ce genre. En quelques traits, les personnages sont brossés et le décor mis sur pied. L'auteur devait être une excellente observatrice. Une écriture teintée d'une délicieuse ironie, tout en justesse; un style fluide et poétique qui font de ce recueil un petit bijou littéraire.
Nouvelles conseillées : « The garden party », « Her first ball »

20/04/2011

ALEX WINSTON - SISTER WIFE


Fraîchement débarquée d'outre-atlantique, Alex Winston se distingue d'ores et déjà par sa jolie voix et ses airs aériens et entêtants. Après avoir fait pas mal de reprises (notamment des Mumford & sons), elle vient de sortir un mini album de six titres, Sister Wife – à découvrir  sur YouTube et bientôt sur Deezer. Ci-dessus "Choice notes", son titre phare. Je craque aussi pour "Fingers and toes".

 http://www.deezer.com/fr/music/alex-winston#music/alex-winston

Et une récente et très belle session de la Blogothèque : http://www.blogotheque.net/Alex-Winston

18/04/2011

LE NOM DES GENS


« Il y a des gens courageux et intègres partout... »

Une histoire un peu loufoque, pour une fille complètement loufoque: ça se tient ! Si Sara Forestier m'avait peu convaincue lors de ses précédentes prestations, dans Le Nom des gens, son personnage illumine le film du début à la fin. Jacques Gamblin et Zinédine Soualem sont très justes, le dernier même touchant. Ici le passé familial se mêle aux réalités contemporaines pour aborder la question de l'identité dans ses diverses dimensions: humaine, sociale, politique, culturelle. Finalement c'est une histoire à l'image de la France d'aujourd'hui, qui joue et se joue des clichés ambiants, pour proposer une conclusion intelligente et pleine d'espoir. C'est drôle, léger et ça donne le sourire, sans oublier de faire passer des messages de fond... Formidable !

Lien streaming pour celles qui ont raté la séance :  

14/04/2011

GASLAND


Le gaz de schiste ? Kézako?? Contrairement au gaz conventionnel (qu'on obtient par simple forage vertical dans le sol), le gaz de schiste est emprisonné et dispersé dans la roche. Pour le faire remonter à la surface, de savants scientifiques ont mis au point (enfin... mis au point, c'est un bien grand mot) une technique consistant à injecter horizontalement dans la roche un mélange d'eau, de sable et surtout (ce qu'on omet souvent de préciser) de produits chimiques. Sous l'effet de la pression, ce mélange produit une explosion et la roche libère le gaz, qui remonte à la surface.
Le point « positif »: cette technique permet au pays concerné d'être moins dépendant de l'énergie étrangère en s'approvisionnant directement chez lui.
Les effets pervers: une sérieuse mise en péril de l'environnement et des hommes.

Le jeune cinéaste américain Josh Fox s'est intéressé à cette nouvelle pratique qui s'est développée aux États-Unis depuis 2005. Des compagnies gazières ont démarché des centaines de familles sur l'ensemble du territoire, dont la maison était bâtie sur des terrains riches en gaz de schiste. Contre d'alléchantes sommes d'argent, ces familles ont donc accepté que l'on vienne creuser un ou des puits dans leur propriété.
Résultat ? Catastrophique: le mélange injecté dans la roche demeure dans le sol et donc pollue les nappes phréatiques. L'eau du robinet n'est plus consommable, les produits chimiques infiltrent le sol mais aussi l'air, et rendent les hommes et les animaux malades. Il faut le voir pour le croire.
Pourtant les compagnies continuent de nier l'impact écologique de cette pratique et aucun contrôle officiel n'existe sur leurs activités.
Pourquoi ce film est à voir ? Parce que ce n'est pas seulement de l'autre côté de l'Atlantique que ça se passe: la question se pose désormais en Europe, où des demandes de prospection ont été faites, y compris en France. (D'ailleurs Josh Fox viendra en juin tourner Gasland 2.) Et puis parce que le documentaire est mené de façon intelligente, avec humour, ironie et parfois même poésie. Ça fait froid dans le dos mais c'est salutaire!

« C'est incroyable que la nature ait mis tant de siècles à se faire
et qu'en quelques heures les hommes puissent l'anéantir totalement. »

Le film a été peu diffusé en salles depuis sa sortie en France mais il est disponible sur Youtube (VOST) et DailyMotion (VO) :
http://www.youtube.com/watch?v=CO1oLWzWoeI

09/04/2011

PINA


Quelle déception devant ce film que l'on avait annoncé comme une révolution 3D! L'idée était profondément géniale mais hélas! le résultat est loin de tenir les promesses du réalisateur Wim Wenders (comme quoi la technologie ne fait pas tout). La première heure est ennuyeuse – malgré une qualité d'images très soignée : je n'ai ressenti aucune émotion, me suis sentie irrévocablement en dehors de la scène, en dehors de la danse. Quelque chose se passe enfin à partir des dernières 45 minutes: une libération, un éclat de lumière, un moment de grâce, et la magie opère enfin qui dit tout le talent de Pina Bausch. Enfin nous voilà embarqués! De belles scènes en extérieur dans des décors insolites, mais mon coup de cœur va au ballet aquatique du Vollmond. Un film en somme inégal, auquel on préférera peut-être Les Rêves dansants sortis à l'automne 2010.

04/04/2011

WOOLF - UNE CHAMBRE A SOI


Passées les premières vingt pages, pas désagréables mais qui font surtout office d'exposition et de bavardage, Virginia Woolf entre au coeur de la question qui la préoccupe: Pourquoi dans l'histoire, y a-t-il eu si peu de femmes écrivains ? Son hypothèse (elle parle en 1927): parce qu'elles n'ont jamais pu disposer d'un revenu propre ni d'un espace qui leur soit réservé. Maris et enfants étaient toujours là, dans leurs pattes, pour les en dissuader ou les interrompre, et elles avaient bien d'autres choses à faire qu'écrire – qui ne permettait certainement pas de gagner son pain! Pourquoi les hommes avaient-ils le droit, eux, d'être poètes, romanciers, dramaturges, et même peintres ou sculpteurs, et pas les femmes? Avaient-elles naturellement moins d'inclination à être artistes? Pourquoi devaient-elles écrire en cachette et pourquoi n'étaient-elles que rarement prises au sérieux et leurs écrits appréciés à leur juste valeur? Examinant les conditions qui ont toujours éloigné les femmes de la création littéraire, Virginia Woolf se révolte contre une société longtemps fondée sur un modèle patriarcal qui a sous-estimé leur talent (un talent différent mais pas moins estimable),  elle célèbre ces quelques romancières (Jane Austen, Charlotte et Emily Bronte entre autres) qui ont redoublé de ruses et de détermination pour donner naissance à ces grandes œuvres que l'on connaît aujourd'hui, et rappelle l'importance que les femmes s'expriment dans des livres écrits par elles et en partie pour elles. L'auteur -qui avait, c'est évident, une vraie force de caractère- tantôt s'insurge, tantôt s'exaspère, pour finalement lancer à toutes ce cri d'espoir et de liberté: écrivez si vous avez envie d'écrire, dites ce que vous avez à dire, soyez vous avant d'être ce que l'on attend de vous et ne prêtez guère attention aux avis extérieurs.
Même quand on ne se destine pas à l'écriture, ce texte ne peut manquer de nous parler, car il recèle d'informations et de bons conseils pour devenir actrice de sa vie. Un essai intelligent et très bien écrit, concis et efficace, dont je recommande vivement la lecture. 

(Titre original: A room of one's own. Vous trouverez ce qui me semble être une très bonne traduction de Clara Malraux aux éditions 10/18.)