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23/04/2011

TOMBOY


J'avais beaucoup aimé Naissance des pieuvres, j'ai été enchantée et émue par le troublant Tomboy. Tomboy, c'est, vous le savez sans doute, un film sur l'incertitude identitaire à l'âge enfant. Se faire passer pour un garçon devant sa nouvelle bande de copains, c'est d'abord un jeu innocent pour la petite Laure. Elle peut jouer au foot torse nu avec les autres et se rapprocher de Lisa. C'est l'été, l'insouciance s'épanouit à loisir, dans le dos des parents. Mais ce jeu prend bientôt de l'ampleur et « Mickaël » se trouve embêté, confronté aux limites de son propre corps : il lui faut tenir le rôle. Alors il surveille son torse encore lisse, demande à sa petite sœur de couper ses quelques cheveux qui dépassent, et au besoin se fabrique même un petit pénis en pâte à modeler pour pouvoir rejoindre les autres à la baignade. Le spectateur, entré dans le secret de Mickaël avec sa petite sœur, guète, anxieux, le moment où celui-ci risque d'être dévoilé. La tension monte. Jeu ou mensonge ? Travestissement d'un été ou naissance d'un trouble identitaire durable ? L'histoire ne le dit pas, et c'est ce qui m'a plu: les interprétations sont ouvertes, les réponses jamais données. Le langage est d'abord visuel. La caméra capte les instants et les émotions avec subtilité, nous fait tour à tour entrer dans la chaleur de la cellule familiale autour de la mère enceinte, dans la relation complice et joueuse des deux sœurs, et dans l'amitié amoureuse qui naît entre Mickaël et Lisa. Scènes drôles et touchantes, reflet de l'enfance reine insouciante (où chacun verra quelques souvenirs); scènes aux accents bien plus graves et violents mais jamais exagérés, quand le jeu prend fin. Comme un écho atténué de Boys don't cry. Et cette fichue robe, comme elle paraît finalement tragique !  Se forcer à redevenir "fille" - avec tout ce que ça a de ridicule. Tomboy est un film d'une grande simplicité et à la fois d'une justesse et d'une grâce infinies. C'est beau, singulier et lumineux. D'autant plus beau lorsque l'on sait le peu de temps qu'il a fallu à la réalisatrice pour l'écrire et le tourner. Décidément prometteuse, Céline Sciamma.

Courez donc en salle découvrir ce joli film.

NB: Pour celles et ceux que ça intéresse, vous trouverez plusieurs interviews intéressantes de Céline Sciamma. En voici une parmi d'autres:

Enfin, quelques articles plus ou moins récents et plus ou moins en rapport avec la question du genre:

Bon week-end de Pâques à tou(te)s :)

3 commentaires:

  1. J'ai aussi beaucoup aimé Naissance des pieuvres, en revanche je n'ai pas eu la même interprétation que toi devant Tomboy. Je n'ai pas vu le mensonge de Laure comme un jeu innocent qui dérape. Pour moi, elle profite d'une occasion : elle vient d'emménager, personne ne la connaît, on la prend pour un garçon. Il lui suffit de ne pas détromper les autres et elle peut simplement être qui elle a envie.

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  2. Je suis d'accord avec toi et en même temps, je crois que j'avais employé le mot "innocent" parce que - me semble-t-il - au moment où Lisa lui demande son prénom, Laure répond Mickaël assez spontanément (c'est d'ailleurs Lisa la première qui lui suggère cette identité, par l'emploi du masculin "T'es nouveau?") et aussi parce qu'au moment où Laure prononce ce prénom de garçon, elle ne mesure pas du tout les conséquences que son usurpation d'identité va entraîner.
    Dans "jeu innocent", il y avait cette part d'innocence que je viens d'expliquer, et cependant bien l'idée que déjà c'est un jeu: comme tu dis, elle profite de l'occasion qui lui est favorable pour jouer celle (ou plutôt celui) qu'elle a envie d'être.

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  3. En effet je pense qu'au début elle commence innocemment sans se rendre compte des conséquences que le mensonge va entraîner. Mais ensuite elle ne se laisse pas simplement dépasser, il y a un vrai choix.

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